penelOpe pandemOnium

Joseph Nechvatal
  • penelOpe pandemOnium” (2014) 112 x 168 cm, peinture assistée par ordinateur sur velours© Galerie Richard, New York/Paris
  • penelOpe pandemOnium” (2014) 112 x 168 cm, peinture assistée par ordinateur sur velours© Galerie Richard, New York/Paris

penelOpe pandemOnium (2014) 112 x 168 cm, peinture assistée par ordinateur acrylique sur velours © Galerie Richard, New York/Paris

 

En regardant pour la première fois le tableau penelOpe pandemOnium de Joseph Nechvatal, c'est la sensualité extatique du champ qui séduit d'abord. Sur le grain velouté de la peinture, des écheveaux de filaments de dendrites se balancent et se tordent au milieu d'un environnement dense et vaguement amniotique. En dessous, des formes ambiguës peintes dans des roses charnus, des pourpres profonds, des magentas lumineux et des bleus évoquant la mer, tout en se mêlant et se fondant parfaitement. Océanique et exultant, c'est un monde où nous nous glissons facilement. Mais les tensions deviennent rapidement palpables. Sur la gauche, une seule bande d’un bleu profond casse verticalement le plan de l'image, avec une précision surprenante en contraste violent avec la fluidité apaisante dégagée au premier abord. Et que dire de Pénélope, l'héroïne titulaire de l'œuvre - épouse angoissée d'Ulysse, celle qui est laissée derrière? Plus l’on s'attarde, plus la peinture devient lourde et pressentie. Comment concilier la beauté exquise du champ avec les éléments d'Agon?

Les forces en conflit sont très présentes et rendent formidable l'ensemble du travail de Nechvatal. En effet, pour un artiste qui a passé la majeure partie de sa carrière à manipuler des virus générés par ordinateur pour faire des ravages sur leurs images hôtes, le conflit est inhérent aux moyens mêmes de production. Libérant ses algorithmes viraux sur des images photographiques de sa base de données, Nechvatal crée par la voie de la destruction, permettant aux cascades aléatoires de mettre en scène leur drame sur ses sujets. Il en résulte avant tout une profusion de bruit : une preuve visuelle des effets du virus sur les images palimpsestes. Mais pour Nechvatal, l'élément d'agitation est toujours double, servant à la fois d'agent de destruction et de moyen de transformation.

Comme le processus complexe par lequel elles sont créés, les peintures de Nechvatal se déroulent au fil du temps. En pénétrant plus profondément dans le monde de Pénélope, ce qui semblait d'abord un champ de formes abstraites se résout lentement en une figure discernable. Au milieu de la toile, flottant comme une apparition, on distingue cette femme nue en semi-inclinaison, ses yeux sombres dirigés vers le bas alors qu'elle se tourne vers le spectateur. La présence de Pénélope est si subtile et si émouvante lorsqu’on la reconnait, qu'en appréhendant sa forme, nous sentons qu'elle n'est pas tant devant son image que dans son espace psychique, un espace d’agonie chargé de désir et de perte. Mais c'est aussi un espace de renouveau éternel. Ce que l'on découvre petit à petit, c'est que sous le champ explosif de ce bruit perpétuel, une image de Pénélope est soudainement anéantie tandis qu'une autre - une copie de celle-ci - émerge, abstraitement, par dessous. On imagine que dans l'espace fictif de la peinture existe un nombre infini de Penelope, chacune étant seulement une possibilité ontologique jusqu'à ce que l'autre soit détruite.

Dissolution et devenir, mort et naissance : en évoquant les deux à la fois, cette peinture est un rappel poignant de leur interdépendance fondamentale. De nouvelles formes, de nouvelles identités et de nouvelles façons d'être ne peuvent émerger que si les anciennes disparaissent. Comme toutes les œuvres de Nechvatal, penelOpe pandemOnium est un témoignage de la puissance générative de perturbation et de destruction. Cependant, de par son sujet, c’est aussi une déclaration d'espoir dans les moments sombres. Pénélope, après tout, est l'incarnation de la persévérance; ce n'est que grâce à son esprit et à sa ruse qu’Ulysse retourne dans un foyer qui a été preservé.

 

By Taney Roniger

Visual artist and writer based in New York

Translated from the English by Naheima Sears

 

Vu à 

Galerie Richard, New York & Paris

 

Site de l'artiste