LifeDress

Alicia Framis
  • Alicia Framis © Art Basel
  • Alicia Framis © Art Basel
  • Alicia Framis © Art Basel

9 Figures (mannequins) each one: 174 cm. high, with different dresses and one video - 9 different dresses made with airbag fabric. - 1 video HD 4’ : “Lifedress”, with sound. Edition of 3 + 1 A.P. - 1 air compressor in a box of 50 x 70 x 70 cm. Taille de l’installation 174.0 × .0 × .0 Size (cm), 68.5 × .0 × .0 Size (in). 2018.

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Texte en français (see English version below)

Le thème du mannequin dans la vitrine, objet statique attirant les regards et les désirs mais aussi emblème de la poésie urbaine du XXe siècle, a inspiré de nombreux artistes. Ainsi Apollinaire dans La Maison des morts1 convoque des mannequins de « boutiques de modes » qui « au lieu de sourire debout » se raniment. Les Surréalistes et Duchamp ont accordé une place importante à ces corps entiers ou fragmentés, manipulés, symboles érotiques puissants.

A Unlimited, l’exposition qui accompagnait ArtBasel 2019, Alicia Framis a présenté sa récente installation LifeDress composée de neuf de ces mannequins, de genre féminin et disposés en cercle. Ces potiches anthropomorphiques en matière blanche brillante, les cheveux courts bouclés, sont revêtues de robes également blanches, toutes différentes, volantées ou ajustées, et plus étrangement toutes estampillées de codes-barre. Le groupe prend des attitudes indiquant des comportements collectifs. On ne peut pas dire que tous les types de femmes y figurent, mais on notera que certaines sont très élégantes, qu’une autre est en tenue sportive, alors qu’une troisième évoque les paysannes à grands fichus de Malevitch.

Or, ce qui pourrait passer pour une composition rigide, comme celle pratiquée par les étalagistes, par intermittence se met à frémir soudainement, à froufrouter et entrer en animation. Des micro-événements se déclenchent par le gonflement de certaines pièces des vêtements et l’ensemble devient en quelque sorte une fascinante performance de ready made. Un col, un dos, des manches, des hanches se mettent à doubler de volume transformant avec grâce la silhouette des personnages qui c’est le cas de le dire embellissent à vue d’oeil. Tout devient étrange, propice au déploiement d’analogies. Ici une gorge devient jabot et évoque un gallinacé au combat, ailleurs un volant se redresse comme celui des danseuses de flamenco, une bosse se forme dans le dos, une femme se transforme en coléoptère.

La clé de cette installation se lit sur le cartel qui mentionne que les tenues sont faites en tissu de airbag. En effet au sein de cet assemblage muet et lilial se camoufle une invention hautement sophistiquée. Le matériau des robes, fabriqué au Japon, est le même que celui qui sert à fabriquer les coussins de sécurité pour les automobiles, qui se remplissent de gaz et gonflent en cas de collision amortissant le choc du passager.

La finalité de cette installation nous est délivrée par la vidéo qui montre dans le cadre d’un univers de bureaux des femmes vulnérables et victimes de harcèlement ou d’humiliation. Grâce à leur LifeDress elles transforment leur tenue de travail en carapace et ainsi produisent en souplesse une mise à distance qui amortit et dissuade les attitudes prédatrices.

Une partie de l’oeuvre de Framis est d’un féminisme social clairement exprimé qui débouche sur « la recherche d’alternatives pour vivre mieux dans un monde meilleur ». 2 La série LifeDress rejoint sa collection Anti_Dog  : une ligne jusque là composée de vêtements en tissu pare-balles, anti-feu et anti-agressions canines qu’elle a présentés à Paris pendant une Fashion Week en 2002. Alicia Framis détourne les innovations industrielles et propose des solutions de rechange à des comportements fondés sur la menace, la surveillance, la subordination et la punition. L’ensemble de sa proposition poétique est très forte, radicale et en même temps joyeuse. Sa solution esthétique alimente le dilemme du féminisme : faut-il espérer éradiquer les pulsions toxiques ou bien peut-on trouver de façon pragmatique des réponses de terrain appropriées. Ses propositions « tissent des liens entre différents domaines d'activités de la mode, du design et de l'architecture, mais aussi de l'activisme et des lieux de rencontre mutuelle, (pour) explorer la confluence de formats très divers de la création artistique avec la vie quotidienne et les formes de comportement. »3

 

Grâce à Framis on peut envisager que la beauté puisse triompher des mauvaises intentions mais aussi qu’on puisse envisager que le répulsif se niche au coeur de l’élégance. Avec un humour que rien n’arrête, elle rêve à de nouvelles stratégies volontaristes pour armer les faibles, sécuriser leur espace social, le rendre plus vivable. Elle répond par l’invention aux agressions dominatrices de tout poil. Elle démontre qu’on peut prendre en main sa propre protection et, puisqu’une transformation des stéréotypes liés aux genres est en marche, qu’il faut inventer et assumer les nouvelles apparences qui vont naître des nouvelles formes de performativités.

 

 

Anne-Marie Morice

1Alcools, 1913

2Gender Pavilion, Alicia Framis (catal), 2019, texte de Margarita Aizpuru

3ibid

 

Vu à

 

Unlimited

Art Basel 2019 

https://www.artbasel.com

 

Présenté par

Galeria Juana de Aizpuru (Madrid)

www.juanadeaizpuru.com

 

Site de l’artiste
http://aliciaframis.com.mialias.net



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English version

 

The theme of the mannequin in the window, a static object that attracts attention and desires and also an emblem of 20th century urban poetry, has inspired many artists. Thus Apollinaire in La Maison des morts1 summons models from "fashion shops" who "instead of smiling upright" are revived.  The Surrealists and Duchamp gave an important place to these whole or fragmented bodies, manipulated, powerful erotic symbols.
At Unlimited, the exhibition that accompanied ArtBasel 2019, Alicia Framis presented her recent LifeDress installation featuring nine of these female models in a circle. These anthropomorphic pots made of shiny white material, with short curly hair, are covered with equally white dresses, all different, flounced or adjusted, and more strangely all stamped with bar codes. The group takes attitudes that indicate group behaviour. It is not possible to say that all types of women are included, but it should be noted that some are very elegant, another is in sportswear, while another evokes the peasant women of Malevitch.
However, what might seem like a rigid set-up, such as that practiced by shopkeepers, intermittently starts to suddenly shudder, to rustle and to enter into animation. Micro-events are triggered by the swelling of certain parts of the clothes and the whole thing becomes a fascinating ready-made performance. A collar, a back, sleeves, hips start to double in volume, gracefully transforming the silhouette of the characters who, it is the case to say, embellish it at first sight. Everything becomes strange, conducive to the deployment of analogies. Here a throat becomes a ruffled throat and evokes a gallinaceous in battle, elsewhere a steering wheel straightens up like that of flamenco dancers, a bump forms on the back, a woman is transformed into a beetle.
The key to this installation can be found on the cartel, which mentions that the outfits are made of airbag fabric. Indeed, within this silent and lilial blend, a highly sophisticated surprise is hidden. The material of the dresses, made in Japan, is the same as that used to make safety cushions for cars, which fill with gas and inflate in the event of a collision that dampens the impact of the passenger.
The purpose of this installation is delivered to us by the video, which shows vulnerable women who are victims of harassment or humiliation in a world of offices. Thanks to their LifeDress they transform their work clothes into shells and thus produce a flexible distance that dampens and dissuades predatory attitudes.  
Part of Framis' work is clearly expressed social feminism that leads to "the search for alternatives to live better in a better world". 2 The LifeDress series joins its Anti_Dog collection: a line previously composed of bulletproof, fireproof and canine anti-aggression clothing that it presented in Paris during a Fashion Week in 2002. Alicia Framis diverts industrial innovations and proposes alternatives to behaviour based on fear, surveillance, subordination and punishment. The whole of his poetic proposal is very strong, radical and at the same time joyful. Its aesthetic solution feeds the dilemma of feminism: should we hope to eradicate toxic impulses or can we find appropriate field answers in a pragmatic way. His proposals "forge links between different fields of activity in fashion, design and architecture, but also activism and places of mutual encounter, (to) explore the confluence of very diverse formats of artistic creation with daily life and forms of behaviour. »3

Thanks to Framis, we can envisage that beauty can triumph over evil intentions but also that the repellent can be nestled in the heart of elegance. With a sense of humour that nothing stops, she dreams of new proactive strategies to arm the weak, secure their social space, make it more liveable. It responds with invention to dominant aggressions of all kinds. It shows that one can take charge of one's own protection and, since a transformation of gender stereotypes is underway, that one must invent and assume the new appearances that will emerge from the new forms of performativity.



Anne-Marie Morice

1Alcools, 1913

2Gender Pavilion, Alicia Framis (catal), 2019, texte de Margarita Aizpuru

3ibid

 

In view of

Unlimited

Art Basel 2019 

https://www.artbasel.com

 

Represented by

Galeria Juana de Aizpuru (Madrid)

www.juanadeaizpuru.com

 

Artist's website
http://aliciaframis.com.mialias.net