Home for the Elderly

Junya Ishigami
  • Home for the Elderly, photographie de la maquette, Tohuku, Japon.©JUNYA.ISHIGAMI+ASSOCIATES
  • Home for the Elderly, photographie de la maquette, Tohuku, Japon.©JUNYA.ISHIGAMI+ASSOCIATES
  • Home for the Elderly, photographie de la maquette, Tohuku, Japon.©JUNYA.ISHIGAMI+ASSOCIATES

Home for the Elderly, photographies de la maquette, superficie du site 560 m2, Tohuku, Japon

 

Le projet Home for the Elderly commencé en 2012 répond à la demande de construire une résidence pour les personnes âgées atteintes de démence dans la ville de Tohoku. Le projet prend appui sur deux principes a priori contradictoires : la conservation et le déplacement. L’architecte a estimé qu’il ne fallait pas dépayser ces pensionnaires en les remisant dans une architecture contemporaine. Au contraire il a voulu les individualiser et les replonger dans les habitations traditionnelles qu’elles ont connues. Ainsi sont préservés la continuité de leur cheminement et leur art de vivre alors que cette nouvelle résidence leur est offerte comme une nouvelle expérience à vivre.

Le Japonais Junya Ishigami eut alors l’idée d’appliquer à ce projet la technique ancestrale mais toujours vivante dans ce pays de séismes : l’hikiya, ou l’art de déplacer des éléments publics volumineux (statues religieuses monumentales, rochers, maisons) d’un endroit à un autre sans les démonter. Traditionnellement ces manoeuvres se faisaient sur rails mais pour ce projet une grue fut employée grâce à laquelle des charpentes dénudées de maisons en bois, trouvées dans des quartiers anciens, furent élevées du sol et emportées par la route pour être déposées sur le terrain de la maison de retraite. En tout, une quarantaine de petites maisons venant des quatre coins du Japon où elles étaient destinées à être démolies. Chacune selon sa provenance est construite selon une architecture, une technique et des matériaux différents qui lui donnent une identité propre. Mais la pièce à vivre a toujours les mêmes proportions puisqu’elle épouse la taille standard des tatamis. Cette collection de maisons est réunie “comme on assemble des fleurs”. Séparées par d’étroites allées végétalisées, elles sont très proches les unes des autres et en même temps bien distinctes. Les cloisons en verre favorisent des points de vue traversants et inclusifs. Les toîtures se touchent pour former, en plongée, une image globale. Grâce à cette différenciation des habitats, le sens de l’orientation des futurs habitants sera stimulé et des limites s’établiront tout naturellement entre vie collective et vie privée.

“J’anticipe un futur où se matérialiseront de nouveaux rôles et conditions pour l’architecture, jamais imaginés jusque là”, dit Junya Ishigami1. Très loin de la figure de l’architecte tout puissant, il développe une méthode pragmatique avançant pas à pas pour adapter son art aux besoins humains de son siècle. Il veut penser “librement”, créer des espaces communs à tous, prendre aussi en compte la façon dont le bâtiment vieillira et évoluera, veiller à la qualité de son environnement. Ce qui ne signifie pas qu’il renonce aux concepts, bien au contraire. Mais l’idée dit-il ne doit pas être mise en avant, “elle est certes primordiale mais ne doit pas fermer l’accès à l’oeuvre”. Il préfère agir pour rendre les concepts transparents et ainsi permettre de s’imprégner de l’oeuvre au lieu de se bloquer sur une position qui pourrait dissuader d’aller plus loin. Plutôt que d’adopter une posture conceptuelle, Junya Ishigami fait de l’architecture un process, support de philosophie.

 

Anne-Marie Morice

 

Vu à

Fondation Cartier pour l’art contemporain

Exposition Junya Ishigami, Freeing Architecture

du 30 mars au 10 juin 2018

www.fondation.cartier.com

 

 

 

 

1Catalogue de l’exposition, coédition Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris / LIXIL Publishing, Tokyo, mars 2018