Balais citoyens

Hela Ammous
  • Balais citoyens Crédits photographiques : Héla Ammous.
  • Balais citoyens Crédits photographiques : Héla Ammous.
  • Balais citoyens Crédits photographiques : Héla Ammous.

Crédits photographiques : Héla Ammous.

De ballet en ballet, ou comment Héla Ammous a redessiné, avec ses balais, la place de la Kasbah et quand la petite histoire artistique rejoint la grande histoire politique en Tunisie. Le dimanche 29 octobre 2017, la place symbolique du printemps arabe, a connu une “occupation" inhabituelle, fruit de quatre années de travail grâce à l’installation de l’artiste tunisienne Hela Ammous .La visite du chef du gouvernement, qui n'était pas prévue, confirme que c'est à ceux qui nous dirigent d'écouter les mille messages véhiculés par cette action performative.

L’idée ne date pas d’hier, En 2014, Héla Ammous a présenté un mobile intitulé Ballet, installé au Bchira Art Center. C’était pour les "24 heures d’Art contemporain". Le thème de la manifestation était Bye-bye bakchich system. Ce mobile en forme d’hémicycle représentait l’assemblée constituante. De la structure pendaient 216 balais qui ne touchaient pas terre « à l’image des députés déconnectés de la réalité ». L’installation a été un tel succès que le public a voulu se l’approprier en écrivant sur les outils ménagers. Pédagogue Héla Ammous a expliqué que l'on ne pouvait pas intervenir sur son installation mais a promis de revenir avec de nouveaux balais . Ce qu'elle a fait : le public s'en est emparé et a exprimé, à travers lettres, slogans et dessins, une « forme d’engagement pour que notre pays soit propre dans tous les sens du terme ».

Le manifeste de Balai citoyen est alors lancé : « 1000 balais à la Kasbah pour faire le ménage dans notre pays : la propreté est l’affaire de tous les citoyens. C’est pour cela que cette œuvre ne peut être faite que par vous ! »

La promesse de porter la voix de mille citoyens place de la Kasbah a laissé les gens aussi incrédules que séduits. Héla Ammous a sillonné la Tunisie avec ses balais : il y en avait toujours dans le coffre de sa voiture. « Avec ces objets du quotidien, je voulais rapprocher l'art des citoyens et les inviter en toute liberté à être partie prenante dans l'œuvre. En tant qu’artiste, il m’est très important d’établir un rapport proche d'autant plus que la participation, en elle-même, est un élément du projet. Je pense que la confiance dans l’intelligence de l’autre permet un accès à la culture et la reconnaissance des possibilités de chacun à s’épanouir et trouver sa place quelque soit son âge» dit-elle.

La grande histoire politique a rattrapé la petite histoire artistique lorsque le gouvernement a lancé sa lutte contre la corruption. Une page facebook s'est ouverte en avril 2017 et les balais ont continué d’affluer de toutes parts et même de l’étranger. Le président de L’ I.N.L.U.C.C, (l’Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption) s'est engagé .Les messages reçus furent divers et concernaient surtout "les mentalités "qu'il fallait nettoyer, alors que les plus jeunes pensaient à la propreté au sens écologique du terme. L'artiste est intervenue dans les écoles, pour expliquer comment, si l'on partage les mêmes idées, en s'unissant, ces idées auront davantage de poids. L’objectif est que l'art soit un pilier dans la construction du pays et de la civilisation.

Le projet de l'artiste était de planter les objets bien droits, place de la Kasbah dans l’idée de montrer que le citoyen, lui, a bien les pieds sur terre. Le vent en a décidé autrement et les mille balais, en ce dimanche 29 octobre, étaient couchés avec une belle symétrie, leurs messages bien en vue.

Le premier ministre en personne a participé à l'action et a même écrit son message, comme tous les autres citoyens. Et l'histoire se poursuit : les 8 et 9 décembre 2017, se tiendront les Journées internationales de lutte contre la corruption au Palais des congrès de Tunis, parrainées par le P.N.U.D (Programme des Nations Unies pour le Développement). Cette fois, c'est l 'I.N.L.U.C.C qui a demandé que les deux installations, celle de 2014 - qui représentait "les députés déconnectés de la réalité" et celle de 2017- avec le cri de 1000 citoyens aux prises avec celle-ci, soient présentées.

Cette épopée confirme le statut international d'Héla Ammous. Primée pour la C.O.P 22 en 2016 à Marrakech pour son œuvre Save the planet elle le fut aussi en janvier 2017 pour son installation audio-visuelle Flye flye butterflye, qui traitait du drame des migrations humaines. Ces prix n'altèrent en rien sa simplicité et sa détermination.

Edia lesage

 


 


 

www.hela-ammous.jimdo.com

instagram : helaammous