Peinture murale à Aubervilliers, 2018, photographie Anne-Marie Morice
C’est dans un petit quartier d’architecture hétéroclite, sur le mur d’un modeste café faubourien appelé Le Palmier, face à un ensemble un peu hautain d’immeubles nouvellement construits, que Florian Viel a peint cette composition magistrale, colorée et rythmée. Une esthétique baroque sur une architecture primaire aurait pu engendrer un trop grand écart. Ce n’est pas le cas, car l’oeuvre est née de la rencontre entre le projet propre de l’artiste et ce qui a entouré sa réalisation.
La fresque n’a pas l’ambition d’être un cache-misère ni un mur-samizdat comme on en trouve souvent dans les quartiers périphériques. Elle tient compte du contexte et enveloppe les passants, proposant une échappée, une détente, ou un moment de partage esthétique sur une réalité que l’artiste affectionne particulièrement pour y avoir fait de nombreux séjours : les Tropiques. Florian Viel est frappé par l’appropriation, par la culture de masse, de l’iconographie liée à ce secteur géographique ; feuilles de palmiers et becs de toucan ont formé les premiers éléments de son répertoire de formes et couleurs. « Je peins des formes abstraites mais tirées du naturel, mon intention est d’évoquer la construction culturelle de l’environnement. » dit-il. A ce concept prototypal il a donné le nom de Tropicool.
Ici les formations végétales tropicales, - ou leurs clichés-, s’élancent sur toute la surface du mur, agrandies et fragmentées à la manière d’un kaléidoscope aux couleurs pures appliquées en à-plat sur les formes découpées comme les papiers colorés de Matisse. Sur ces quinze mètres de trottoir, l’artiste nous a projetés au ras des plantes d’un sous bois tropical. A échelle humaine on zoome sur le fragment du tronc d’un arbre gigantesque, un ovale rouge élancé se détachant sur les ramifications d’un branchage qui se silhouette en bleu. Les formes oblongues violettes et vertes empruntent aux trous dans les feuilles de la Monstera deliciosa, (plus connue sous le nom de philodendron). Des lianes jaunes déploient leur arabesques et, par leur entrecroisement avec les plans de couleur, participent à l’illusion du point de fuite.
Au final l’image abstraite peut aussi être vue comme un ornement urbain, tant elle a été « soignée » dans sa réalisation (peinture à l’eau appliquée au pinceau en plusieurs couches sous les yeux impressionnés des habitants du quartier). « J’essaie de trouver une sorte de perfection de réalisation, dit-il. Je veux que le détail soit non critiquable pour introduire la sensation que l’image est un peu trop parfaite pour être vrai. Ca fonctionne un peu comme un leurre obligeant à un écart : ça pourrait être cela, mais ça ne l’est pas. Je fais du faux-vrai. »
Anne-Marie Morice
Vu à
Aubervilliers (France)
Sous les Pavés les Arbres
Création 29 juin 2018