Pastels à l'huile sur Papier Ingres. Fig 1 : "22/01/2023, Cet amour est toujours vivant...". Fig 2 : "04/03/2024, Je patiente". Fig 3 : "22/04/2024, Rêve ou réalité ton retour...". ©Henri-Jean Enu.
Henri-Jean Enu est éditeur et artiste. Inspiré, jeune, par le mouvement du « Soulèvement de la Jeunesse » animé par Isidore Isou et Marc’O, il invente au début des années 60 son propre langage visuel : la peinture-journal. Cette pratique lui permet d’entrer en relation avec le monde dans l’intensité d’un moment, en premier lieu celui de l’impression du journal Révoltes. A cette occasion, Enu est fasciné par l’énergie montant des signes qui s’entrecroisent sur le revers des stencils. Il fait de l’envers de ces derniers des supports à sa création. Il poursuivra cette démarche en s’inscrivant dans le mouvement de la free press par la création du périodique Parapluie qui paraîtra en format folio de 1971 à 1973. Outre les informations contre-culturelles qu’il dispense, Parapluie devient la matière première de la création picturale de son créateur.
Journal c’est ainsi qu’il nomme également les étonnantes œuvres autobiographiques qu’il produit de 2022 à 2025. Chaque jour donne lieu à des « parutions uniques » autant d’informations nouvelles qui forment le « journal de (s)on inconscient » des centaines de peintures singulières tracées aux pastels à l’huile sur papier Ingres. Sans véritable intention finale, sans connaître le principe qui le guide, sans savoir s’il est en train de faire de l’art c’est ainsi qu’Henri-Jean Enu produit quotidiennement ce qu’il appelle Journal de mon inconscient. A première vue ces formes semblent libres, abstraites, sans référence. Tout au contraire, ces œuvres ont le statut de document. Elles figurent les étapes d’une pathologie dont il souffre depuis 5 ans, une paralysie d’une partie de son activité neuronale qui l’a maintenu dans une inconscience partielle. Depuis 2021, la vie revient, une énergie réparatrice le traverse sans qu’il en soit le déclencheur. Ses membres se sont remis en marche. Bientôt il a pu solliciter ses mains pour tenir le journal fascinant de cette lente résurrection. Par la capacité qu’ils ont d’informer sur les émotions qu’il éprouve montant du flux neuronal qui se déroule dans son corps à son insu, ces subtils tracés s’approchent d’un pouvoir thaumaturgique. Par eux, Enu accompagne de façon consciente et docile la réparation de son système cognitif.
L’écriture peinte de ce journal intime se fait en mode automatique, de la façon la plus spontanée possible. Une autre présence se manifeste par intermittence. Celle qui a veillé sur lui et lui a permis de tenir est son être référent. Elle constitue un lien privilégié avec le réel aléatoire, et tisse un fil d'ariane qui organise la lutte implacable de reprise du contrôle. Plusieurs périodes se succèdent identifiables par les formes, les rythmes et les couleurs. Ces infinies cartographies de flux qui témoignent de la renaissance du corps et de son contrôle invitent à une philosophie de l’esprit.
Anne-Marie Morice
VU A
Galerie Satellite
7 rue François de Neufchâteau
75011 Paris
galeriesatellite.jimdo.com
Du 18/10 au 12/11/2025



