Colonial Erection

Pascale Marthine Tayou
  • Colonial Erection©Pascale Marthine Tayou
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Installation sur le parvis de la Neue Nationalgalerie de Berlin, drapeaux des 54 nations africaines et six sculptures polychromes, 2010

 

Devant la Neue Nationalgalerie de Berlin Pascale Marthine Tayou a fait hisser les drapeaux des 54 pays composant l’Union Africaine. Confusion totale de l’art et de la politique ? À un détail près : si politique il y a, c’est de politique fictive qu’il s’agit. Que viendraient faire ces 54 drapeaux africains côte à côte – mais isolés – en plein cœur de Berlin ? On se demande à quel type d’événement ils peuvent bien se référer, puisqu’il ne s’agit vraisemblablement pas d’une conférence internationale dans un musée d’art moderne. La présence parmi les mâts de quelques « statues-colons » hautes d’environ 2m50 renforce l’étrangeté de la situation : au milieu des drapeaux – symboles des États-Nations indépendants – déambulent des figures inquiétantes (car plus grandes que nature) empruntées à la culture coloniale et postcoloniale : les statues-colons sont des objets traditionnels représentant les colonisateurs, identifiables à leurs vêtements (médecin, officier) mais ayant la peau noire, objets ayant rapidement connu un certain succès touristique et commercial.

En mettant en tension les symboles des États-Nations indépendants (les drapeaux) avec des sculptures produites indirectement par la colonisation (les statues-colons sont d’une certaine manière la rencontre de deux cultures), Tayou interroge ce que signifie être africain aujourd’hui. La conférence de l’Union africaine que semblent annoncer les drapeaux est un lointain écho à une conférence historique tenue dans cette même ville de Berlin en 1885, conférence qui décida du sort de l’Afrique : lors de la Conférence de Berlin les États européens y fixèrent les règles de la colonisation et de se partagèrent le continent. Tayou interroge donc autant l’héritage colonial que les velléités identitaires et les crispations nationales. Si la conférence de Berlin constitue pour lui un désastre, l’Union africaine lui semble jouer un jeu étrange, lui qui refuse cette identité d’Africain qu’il s’est souvent vu assignée dans le monde de l’art.

Colonial Erection : érection coloniale ? Le colonialisme se dresse-t-il toujours ? Ou faut-il lire dans le titre un soulèvement, un redressement fier des anciens pays colonisés ? Jusqu’à l’érection d’un phallus ? La symbolique du drapeau que l’on hisse n’aura échappé à personne, surtout pas à l’artiste. Colonial Erection dialogue peut-être ainsi subtilement avec l’œuvre choc d’Orlan, L’Origine de la guerre, parodie de L’Origine du Monde de Courbet dans laquelle le sexe féminin est remplacé par un sexe masculin en érection. Les érections nationales, vite nationalistes, sont rarement de bon augure. Drapeaux que l’on hisse, fierté nationale, fierté virile, domination masculine : même combat ?

Morgan Labar

 

 

 

Vu à

Neue Nationalgalerie

Potsdamer Straße 50

10785 Berlin

Exposition Who Knows tomorrow

4 June - 26 Sept. 2010

 

Site de l'artiste

http://www.galleriacontinua.com/artist/26/artpieces